Rapport au Conseil des Gouverneurs du CMR par le groupe d'étude Withers
Examen du Programme de premier cycle au CMR Excellence équilibrée :
élément moteur des forces armées du Canada à l'aube du nouveau millénaire
4500-240 (ADM (HR-Mil))
Le 24 septembre 1998
Voir : p. 46 de 81 de la copie officiele imprimée du rapport
Le groupe d'étude croit que le pilier académique devrait avoir pour objet d'établir la base intellectuelle permettant de servir en tant qu'officier breveté et, comme d'autres aspects de la vie au CMR, devrait favoriser le développement du leadership, du courage et de l'intégrité, toutes qualités essentielles au service militaire.
Le pilier académique est aujourd'hui le plus solide des quatre piliers. Il assure une grande variété d'excellents diplômes très respectés. L'évolution récente dans les domaines de l'éducation permanente et des études de troisième cycle a porté de nombreux fruits et devrait être encouragée. On a des exemples de première main, non seulement du besoin croissant d'officiers cultivés, mais également du rôle spécifique que le CMR joue dans ce processus. Leur impact sur les élèves-officiers de premier cycle ne devrait pas se perdre. En outre, tout indique que la plupart des membres du corps professoral sont engagés tant envers l'institution qu'envers les élèves-officiers. Cependant, deux mises en garde importantes doivent être faites.
Premièrement, le caractère relativement permanent du personnel pédagogique civil par comparaison avec le caractère transitoire du personnel militaire signifie que parfois des initiatives militaires, mal accueillies par le pilier académique, sont simplement mises en attente pour être mieux oubliées. Il existe une tendance connexe voulant que les formateurs perçoivent les commandants, qui sont remplacés à un rythme trop rapide, comme des chefs de l'institution qui doivent être formés à comprendre le CMR du point de vue particulier du corps professoral.
Deuxièmement, même si la qualité du personnel pédagogique demeure élevée, le moral de ce personnel est bas, ce qui révèle une incertitude marquée concernant l'avenir de l'institution elle-même, sans oublier que la rémunération et les avantages sociaux sont en deçà des normes nationales. Cet état de choses soulève le spectre du départ des meilleurs professeurs. Le groupe d'étude croit que si l'on fait un compromis au chapitre de la qualité du corps professoral, l'attrait du CMR pour des élèves-officiers potentiels de haute qualité sera irrémédiablement compromis.
Tous les programmes du CMR menant au diplôme sont de haut niveau et stimulants. Cependant, le programme du génie est très exigeant au chapitre des heures de contact lorsqu'on tient compte des exigences des trois autres piliers. Il se peut que ce programme ne puisse être structuré de façon optimale compte tenu de l'objectif général du Collège comme ensemble. Certains observateurs avertis ont proposé que la faculté de génie pourrait utiliser l'interprétation des normes d'accréditation du BCAPI (Bureau canadien D'accréditation des programmes d'ingénierie) pour empêcher les propositions de changement et pour améliorer sa « respectabilité universitaire » . Si tel est le cas, il y a place pour plus de souplesse dans le régime d'accréditation du génie que ne l'utilise actuellement le CMR.
Il y a eu des propositions à l'effet qu'une approche moins coûteuse pour le pilier académique serait tout simplement que cette fonction soit réalisée par une université civile. À l'heure actuelle, les programmes d'impartition ou de « diversification de la prestation de services » (DPS) sont très populaires au sein du gouvernement et nul doute qu'ils ont leur place. Il y a, en fait, un exemple précis d'une telle approche en Australie où la University of New South Wales assure le pilier académique pour le Collège militaire de l'Australie. Le groupe d'étude a exploré et examiné cette question. Nous sommes convaincus qu'un tel programme fonctionne mal. La preuve à cet effet nous a été donnée par le personnel australien compétent, de même que par des Canadiens avertis qui ont examiné ce modèle attentivement, y compris le commandant et le recteur du CMR.
Dans le cas du Canada, il est très difficile de voir comment l'impartition pourrait s'appliquer d'une manière qui n'aurait pas d'incidence très négative sur les trois autres piliers au CMR. Une telle façon de procéder paralyserait l'intégration des piliers. En tout état de cause, il est évident que le coût lié à la mise sous contrat d'une autre université pour faire le travail ne serait pas très inférieur à ce qu'il en coûte au CMR et, même, il serait probablement supérieur. L'analyse de cette question est présentée dans le document intitulé « CMR Academic Costs and Civilian University Costs: A Production Founction Approach » du professeur d'économique Peter Dunnett. Le groupe d'étude juge que l'argument du professeur Dunnett est probant. L'impartition n'est pas une option dans ce domaine des responsabilités du Collège.
La plupart des étudiants militaires résidents de troisième cycle sont sous-utilisés comme modèles de rôle, de même qu'en tant que contributeurs valables pour les groupes de premier cycle. Ils sont de fait pratiquement invisibles pour les élèves-officiers de premier cycle. Ces officiers de troisième cycle ont des grades allant de colonel à capitaine, ils proviennent d'un grand nombre de GPM et possèdent une masse de connaissances et une expérience pertinente impressionnantes.
L'élaboration d'un tronc commun militaire approprié est de toute première importance. Tous les diplômés du CMR doivent recevoir une éducation vaste, équilibrée, libérale, incorporant à la fois les arts et les sciences. Une base solide en mathématiques, en sciences physiques et en sciences informatiques, jointe à la capacité de résoudre des problèmes, de raisonner d'une façon scientifique et de comprendre la base de la technologie moderne vient en soutien direct des besoins des officiers militaires de carrière de l'avenir.
Présentement, le programme au CMR incorpore un tel tronc commun, mais il est moins qu'approprié. Il y a trop peu de cours communs à tous les diplômés. Les arts, qui sont facultatifs pour les majeures en sciences/génie, et les sciences, qui sont facultatives pour les majeures en arts manquent de rigueur. En partie, c'est le résultat des cheminements en arts et en sciences qui commencent en première année. Ainsi donc, les étudiants en arts, en particulier, arrivent au CMR et sont incapables de suivre les cours de mathématiques et de sciences ayant le niveau de difficulté requis. Les différences régionales dans les programmes scolaires à travers le Canada exacerbent ce problème.
Le concept d'un tronc commun pleinement efficace adapté à un collège militaire est mal compris.
L'officier de carrière d'aujourd'hui doit posséder une masse de connaissances qui, prises dans leur ensemble, sont particulières à sa profession. En plus d'une combinaison d'arts et de sciences commune à toute formation éclairée de premier cycle au Canada, il existe une masse de connaissances quelque peu ésotériques qui doivent être communiquées si l'on veut qu'un élève-officier atteigne la qualification de niveau élémentaire requise dans l'exercice de la profession des armes. En partie, les écarts actuels sont reconnus par les membres chevronnés du corps professoral du CMR, et on nous a dit qu'il serait souhaitable de mettre encore plus l'accent sur l'instruction civique, l'étude du gouvernement canadien, du droit militaire, des affaires internationales, de la culture transnationale et des sciences humaines. Cependant, outre ce qui précède, les élèves-officiers devraient être tenus d'étudier l'histoire militaire, l'histoire militaire du Canada, la théorie et la stratégie militaires. De plus, il est nécessaire de les faire tâter de la science moderne et de la technologie d'avant-garde et de leur faire voir leur incidence sur tous les aspects des affaires militaires. Dernier point mais non le moindre, tous les élèves-officiers doivent prendre part à une étude poussée de la théorie et de la pratique contemporaines du commandement (y compris sa composante éthique). À l'heure actuelle, ces sujets militaires professionnels ne sont traités que superficiellement au CMR.
L'académie militaire de West Point et l'académie navale d'Annapolis accordent un baccalauréat en sciences, en génie ou en arts. À West Point, des 40-46 cours requis pour obtenir ce diplôme (selon le programme), 30 cours font partie d'un tronc commun s'appliquant à tous les étudiants. Dans le cas d'Annapolis qui accorde des diplômes dans 18 spécialités (arts, sciences et génie), la première année est un tronc commun, et les deuxième, troisième et quatrième années comprennent un tronc commun de 14 cours portant sur l'histoire, les mathématiques, les sciences, le génie et, plus particulièrement, sur l'art du commandement. Chaque année, des cours dans ce domaine du tronc commun sont suivis par tous.
Au CMR, la première année, tous les élèves-officiers suivent des cours d'anglais, de psychologie et de calcul. Cependant, les versions « génie » des cours d'anglais et de psychologie sont conçues de façon que la charge de travail soit moindre. La version « arts » du cours de calcul est plus facile que celle du génie. Au cours des troisième et quatrième années, tous les élèves-officiers suivent un cours d'un semestre portant sur l'organisation, le leadership, le professionnalisme et l'ethos militaire, respectivement. Les étudiants en génie/sciences prennent quatre options en arts d'un semestre les deuxième, troisième et quatrième années. L'un de ces cours d'un semestre est en histoire militaire du Canada. Les étudiants en arts ont quatre cours optionnels d'un semestre en arts, les deuxième, troisième et quatrième années. Au total, les élèves-officiers du CMR suivent un tronc commun de cinq cours pendant les quatre années, trois de ces cours la première année et les deux autres sont des cours d'un semestre seulement.
Le groupe d'étude ne croit pas que le CMR devrait adopter le modèle américain qui consiste à donner le baccalauréat en sciences seulement même si, comme on l'a décrit ci-dessus, le système américain débouche sur toute une gamme de diplômes reconnus tant en arts qu'en sciences. Cependant, nous sommes convaincus que l'élaboration d'un tronc commun élargi et plus rigoureux pour les élèves-officiers augmentera le contenu en mathématiques et en sciences du programme de chacune des quatre années. Avec l'ajout des cours pertinents sur l'art du commandement et en sciences humaines, on facilitera l'intégration des quatre piliers au CMR, on pourra satisfaire aux besoins des FC et on pourra améliorer le perfectionnement professionnel du diplômé du CMR.
L'examen de la nature et du contenu des cours nécessaires en arts et en sciences qui sont communs à tous les élèves-officiers, et les exigences imposées par la nécessité d'un tronc commun militaire supplémentaire indiquent qu'il faut revoir chacun des programmes de formation générale au CMR. Les recommandations 9 à 14 traduisent les perceptions du groupe d'étude relativement aux adaptations largement nécessaires du programme de formation générale. De plus, nous avons conclu encore que l'évaluation périodique des domaines particuliers d'études et de cours, qui joue un rôle de planification de plus en plus important au sein de toutes les universités canadiennes de grande qualité, ne relevait pas de notre mandat ni de notre compétence.
Cependant, l'évaluation externe de certains programmes faite de temps à autre dans le cadre du processus d'accréditation externe au chapitre des diplômes professionnels n'est pas selon nous tout le processus requis pour assurer au Conseil que chaque programme du Collège satisfait à ses objectifs de qualité, de cohérence, d'efficacité, d'intégration avec les autres piliers et de conformité à la mission du Collège.
À cette fin, nous recommandons que le Conseil donne le mandat d'un processus d'évaluation périodique et de révision du programme de formation générale à être exécutée sur une base récurrente ne devant pas dépasser sept ans. Ce processus devrait faire appel à une auto-analyse interne et à un examen externe par des pairs et devrait s'appuyer sur les examens qui doivent avoir lieu dans tous les cas aux fins d'accréditation plutôt que de les reprendre. Bien que les examens de chaque programme devraient être effectués sur des périodes relativement courtes, l'objet d'un long cycle institutionnel est d'éviter d'importants effets des examens eux-mêmes sur les ressources et les charges de travail.
Les rapports découlant de ces examens devraient être remis au Conseil. La mission et les objectifs en regard desquels les évaluations de la qualité, de la cohérence, de l'efficacité, de l'intégration et de la conformité avec la mission sont faites devraient être ceux établis par le Conseil.
La mission et les objectifs déterminés par le Conseil doivent nécessairement être de nature générale. C'est un rôle important pour le Sénat du Collège d'élaborer l'expression et l'application de ces derniers aux programmes et aux disciplines. Les rapports préliminaires des examens devraient être soumis à l'approbation du Sénat et ne devraient être présentés au Conseil que sur recommandation du Sénat.
Pour régler ces points dans le pilier académique, le groupe d'étude recommande ce qui suit :
Recommandation 9 : Prendre toutes les mesures pertinentes afin que les plus hautes normes possible soient maintenues au sein du corps professoral.
Commentaire : Il faudra pour cela fournir encore l'assurance que le bien-être de l'institution n'est pas menacé et, en plus, qu'une croissance est prévue. évidemment, des mesures appropriées doivent être prises afin d'assurer qu'une rémunération comparable à celle des institutions d'enseignement général équivalentes au Canada soit obtenue et maintenue;
Recommandation 10 :
Nommer le recteur du CMR pour une période de cinq ans, peut-être renouvelable une fois à la discrétion du Conseil;
Recommandation 11 : établir un processus d'examen du programme général.
- Accorder un mandat relativement à un processus continu d'examen du programme général à réaliser sur une base récurrente n'excédant pas sept ans. Des comptes rendus préliminaires devraient être soumis au Conseil sur recommandation du Sénat;
- Mener un examen du programme de génie au CMR en vue de réduire de façon modeste le temps en classe. Le temps disponible serait consacré à l'amélioration nécessaire du nouveau tronc commun.
Recommandation 12 : Utiliser les étudiants diplômés de façon plus efficiente dans le programme de premier cycle.
Commentaire : Ces étudiants peuvent être employés en coenseignement, comme auxiliaires à l'enseignement et comme animateurs de séminaires. À cette fin, il sera nécessaire de mettre en place un régime d'études supérieures mieux organisé et discipliné. Ceci devrait être fait par les doyens intéressés sous l'autorité du doyen des cycles supérieurs chargé d'assurer la coordination. Les étudiants diplômés devraient être employés à des tâches administratives ou autres normalement cinq heures par semaine;
Recommandation 13 : Former un groupe de travail chargé d'élaborer et de mettre en oeuvre un tronc commun militaire approprié rigoureux.
Le tronc commun devrait constituer environ 30 p. 100 d'un programme type menant à un grade. Commentaire : Il en résultera un choix de sujets obligatoires imposés également à tous les élèves-officiers. Le tronc commun s'étalera sur les quatre années d'étude. Ce programme sera de nature progressive, portera sur quatre ans et traitera de sujets comme les affaires internationales, l'art du commandement, l'histoire militaire, la théorie militaire, la technologie de l'information, la technologie naissante et la stratégie. Les sujets concernant les mathématiques et les sciences doivent être bien représentés. L'objectif est d'obtenir une cohorte d'officiers diplômés partageant tous une masse commune de connaissances professionnelles en plus de leur diplôme de spécialiste. Une liste possible des sujets qu'on pourrait considérer dans un tronc commun, accompagnés d'une indication de leur insertion durant les quatre années, est présentée à l'annexe F;
Recommandation 14 : Restructurer le programme de formation générale de façon que tous les élèves-officiers entreprennent un programme de première année bien équilibré comprenant des cours d'arts et de sciences obligatoires.
Dans le cadre de ce programme, la première année se composera dans une large mesure, de cours obligatoires. Commentaire : Dans certains cas, les élèves-officiers suivront un cours préparatoire initial afin d'acquérir les connaissances requises pour réussir le cours obligatoire et leur permettre finalement d'obtenir leur diplôme en ayant atteint la norme exigée.